l'épopée lisboète ( première partie)

Rebelotte. Je délaisse ma zone de confort pour me retrouver avenuda Almirante Reis, dans un Lisboa intrépide & prometteur. Après le SVE, l'Erasmus, les formations SALTO, je continue d'expérimenter les programmes de mobilité de la jeunesse en Europe avec un stage Leonardo da Vinci. Téléportation réussite. Durée du séjour : 15 semaines/105 jours/2520 heures/9072000 secondes. Libre à moi de choisir mon unité.







Et la chanson qui va avec : Isabelle Pierre - Le temps est bon

Un week end à Durango - Pays Basque





La nouvelle année. Les compteurs que l'on se plait à remettre à zéro. Forcément assortie de l'immanquable " alors quelles sont tes bonnes résolutions?". Le petit tour de table nous laisse pantois, la sentence étant trop usée, attendue, prévisible. Nos esprits "anti-conformistes sans vouloir l'être" peinent à se prêter au jeu. Toutefois je garde à l'esprit la résolution de Cécile "Cette année année je ne veux pas être heureuse. Je décide d'être heureuse. ps : je tiens le concept de ma prof de gym suédoise". J'ai bien aimé la phrase, elle a eu le mérite de m'habiter, pour la nuit du moins. J'aime le côté pro-actif du concept, nul doute qu'elle vienne d'une prof de gym, a fortiori suédoise. Et si je devais résumer à mon tour ma résolution, pour de vrai, quelle serait-elle? Il est après tout de bon ton de prendre une résolution en cette période de "crise" ou de renouveau ( c'est selon) que je rencontre dans ma vie de Y.A. ( Young Adult). Sans compter que ma mère, parfois un peu new age ( sans mauvaise connotation, non), est la pour me rappeler " du point de vue de la numérologie tu es en année personnelle 9. C'est l'heure des bilans, tu achèves ton cycle, c'est une année de conclusion où tu dois faire face à tes problèmes". Ok. Je ne sais pas dans quelle mesure j'adhère ou non à la numérologie but let's to this! Ainsi je décide de choisir comme résolution " prendre Forrest Gump comme source d'inspiration". Et même si ça sonne un peu niais, c'est avec ardeur que je prend pour muse l'incarnation même de l'anti-héro. M'inspirer de Forrest Gump, dans le sens où le gars acte et il le fait sans attente. Dans l'humilité. La vraie, pas celle qui se veut être la face B de la fierté, directement issu de ... l'orgueil. Il ne se perd pas dans de grandes quêtes existentielles ou conceptuelles. Il choisit l'action plutôt que les mots. Et perso j'en ai assez de l'inachevé. Parce qu'à force de placer mes attentes trop haut, à force de regarder les étoiles le nez en l'air, j'en néglige le "maintenant" de l'ici bas. Ce qui me conduit inéluctablement à l'inaction et à la paralysie. Parce que l'inaction et la paralysie sont de parfaits remparts contre l'imperfection et l'échec. Ce vieux souvenir de l'école primaire laissé dans un des tiroirs de ma mémoire en est une bonne illustration. Mr Bailet, l'instit à moustache, nous avait donné à faire un dessin "abstrait". Abonnée au mensuel " Artiste Junior" et avec l'honorable franchise enfantine, je me prenais un peu pour un Picasso en herbe. Le thème était donc parfait pour exprimer ce que j'avais dans le ventre : un dessin abstrait aux antipodes du figuratif vécu comme contraignant au creux de l'enfance. Je m'étais donc fait une grande idée sur ce qu'allait être mon œuvre. Ce serait un dessin pleins de couleurs, de courbes et d'inspirations différentes. Et les débuts étaient prometteurs. Curieuse, je regardais le dessin de ma voisine qui me semblait au départ moins attractif que le mien. Mais le sien évoluait, doucement mais sûrement. Tandis que le mien, lui, s'est arrêté en chemin. Et au final, mon rendu était à moitié fini, inaccompli. Celui de ma voisine en revanche était beau. Beau de sa réalisation, de sa finition. Elle était allez jusqu'au bout. Prendre part au processus, sans avoir peur de se confronter au verdict du résultat. C'est exactement pourquoi Kerouack, tous ses potes beatnik et leurs proses spontanées m'emballent tant. Acter, acter, acter. S'exprimer. S'affranchir de la procrastination et de la peur du " je ne peux pas". Trêve d'égarement Déborah, l'introduction a déjà trop trainé. C'est d'ailleurs là mon péché mignon : j'aime me faire mousser. Il est temps de faire preuve d'un peu de cohérence, quelle est donc le lien entre ma nouvelle résolution Forest-gumpienne et cette série de photos? Un lien de causalité, j'oserais dire, puisque ma résolution est apparu suite à l'aventure que ces clichés ont capturé.

Bien. On dit parfois que les images parlent d'elles-mêmes, c'est sans doute pourquoi je reste aphone dans la plupart de mes posts. Je laisse aux images la liberté de s'exprimer par elles-même. Mais le romanesque de l'histoire qui accompagnent les photos de Durango me chatouille les doigts : l'envie de la coucher sur papier me démange.
Samedi dernier. Mon premier jour en Espagne depuis belle lurette. Donostia d'abord. Seule à seule avec mon sac à dos. J'ai 30 minutes devant moi, je sors de la gare pour une brève escale. Je me laisse envahir par un sentiment d'euphorie imprévu. Rien de spécial pourtant juste une gare et ses bêtes alentours. Et pourtant. Et pourtant le tapis sonore de cette scène me remplit de joie. La vie. Le brouhaha du Castellano dans une rue qui s'agite. Les jeunes, les moins jeunes, les mamies en fauteuil roulant, les bars qui nous invitent les bras ouverts. J'aime l'Espagne. Une tortilla et un verre de blanc plus tard, me voilà sillonnant la côte basque espagnole à bord du topo, ce métro aérien qui n'hésite pas à faire halte sur halte, nous offrant ainsi le spectacle de la découverte de patelins perdus et de paysages inattendus. Durango, j'y suis! Je rejoins l'Homme qui au vue de sa douceur de vivre semble s'être déjà bien acclimaté à la vida Espanola. Dans l'étourderie des retrouvailles, nous marchons avec un but seulement approximatif : approcher les montagnes, surtout celle où Gandalf semble se cacher. Après un moment, au milieu de ce qui ressemblait de plus en plus à la rase campagne, un bar s'offrit à nous tel un oasis dans le désert du Thar. Après le bruit de la porte qui grince, c'est le bruit du silence qui vint s'objecter à notre présence. Face à nous, une poignée de "good old boys" oscillant entre l'euskara et le castellano, cigare au bec, patxaran en main et curiosité dans le regard. Armés de la fraicheur du voyageur, on décide de briser la glace en les questionnant sur la direction à prendre pour faire " une chouette rando". De la méfiante curiosité à la sympathie il n'y a qu'un pas. L'un se presse à aller chercher des cartes et des itinéraires, l'autre nous paye des coups tandis que la serveuse abonde en sourires.Vous dire ce qui nous a amené à monter dans la fourgonnette de Jose, le sexagénaire solitaire, je ne saurai vous l'expliquer. Sans doute un mouvement naturelle guidé par la sympathie et l'autorité bienveillante du vieux cow-boy. Ou nous allions, nous n'en avions aucune idée. L'unique certitude que nous partagions télépathiquement : une aventure s'offrait à nous et guidés par la montagne de Gandalf nous nous sentions l'âme d'un Bilbon Sacqué. Empruntant des petits chemins caillouteux, nous sommes finalement arrivés dans ce qui s'avérait être sa ferme perchée sur une colline verdoyante. L'homme peu bavard de nature, affichait un fierté non feinte à nous faire découvrir son monde composé de ses terrains avec dans son sillage ses 5 chiens, ses brebis, ses agneaux, son troupeau de moutons et ses chevaux sauvages. Comprenant intuitivement, que le respecter c'était se laisser guider, nous l'avons suivi dans ses mouvements sur sa colline.
Et dire qu'un jour, dans une de ces conversations dédiés aux méandres de la parole et du temps, nous nous demandions comment faire pour vivre des aventures à la Ernest Hemingway, l'Homme suprême. Une aventure ne se commande pas, elle s'improvise. C'est dans le laisser-aller et dans l’accueil des situations que l' inattendu peut émerger. Le temps d'une après-midi, ce presque-inconnu nous offrait sur un plateau, une réalité qui nous était étrangère. Mais nous réalisions que la ferme basque et ses animaux étaient seulement une toile de fond et non l'objet de notre découverte. La véritable découverte résidait dans l'homme. Nous rencontrions Jose dans sa solitude et son envie de partager. Lorsque je lui montrais les photos le représentant lui dans sa ferme accompagné de ce jeune irlandais et de cette francesa, elles lui tirèrent les larmes des yeux. Ses larmes exprimaient à elles seules l'indicible et nous ouvraient les portes d'une existence jusqu'à lors hors d'atteinte.

Nous sommes rentrés, avec "su otro regalo", un agneau dépecé par ses soins. A badigeonner d'huile d'olive, deux fois 45 minutes au four y hasta. Apetitu on. Milesker.

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